Les Co Tu vivent depuis des siècles sur la cordillère de Truong Son et les hauts plateaux du Centre. Cette ethnie a pour tradition pérenne de décorer minutieusement et artistiquement leurs maisons funéraires. Ces ouvrages typiques nécessitent, de nos jours, une préservation.
Les maisons funéraires jouent un rôle important dans la vie spirituelle des ethnique Co Tu. Elles portent en elles toutes leurs croyances, leurs mœurs et coutumes. Les Co Tu croient qu’après la mort, les âmes de leurs proches deviennent des génies qui vont protéger les vivants, leur donner bonne récolte, santé et bonheur. C’est pourquoi les Co Tu prennent un soin particulier dans la construction, notamment, et la décoration de ces ouvrages pour commémorer les disparus et exprimer leur affection pour les morts.
D’après B’riu Nga, 72 ans, patriarche du village de Pa Liêng, (province de Quang Nam, Centre), la tradition et la coutume veulent que les Co Tu commencent la décoration des maisons funéraires juste après la Fête du «rassemblement des ossements» : quelques années après l’inhumation du défunt, ses ossements sont rassemblés pour organiser son enterrement final au cours de ladite fête.
Les maisons funéraires sont localisées dans la forêt à l’ouest du village. Coutume oblige. Chaque construction constitue un véritable ouvrage architectural dont la beauté provient de l’inspiration et de la passion des sculpteurs et architectes amateurs. Ces maisons pour les morts sont construites entièrement avec des troncs d’arbre et façonnées au moyen des outils de travail manuels ordinaires des Co Tu comme hache, machette et des outils de menuisiers.
Une véritable œuvre d’art
Y Kông, patriarche du village de Tông Cooih (province de Quang Nam, Centre), dit que les maisons funéraires ont une architecture semblable à celles des maisons des vivants. Chaque partie du toit, en forme de V renversé, a la forme d’un rectangle ou d’un carré. «Le toit est obligatoirement supporté par 4 ou 6 piliers avec 4 têtes de buffles sculptées aux quatre coins et un dragon bien stylisé sculpté sur le faîte», ajoute B’riu Nga.
Outre le cercueil, installé au milieu et qui est particulièrement bien soigné, la partie restante de la demeure sert à y placer des statuettes de bois. Ces sculptures représentent différents thèmes exprimant l’affection, le regret, la sympathie des vivants pour les morts, des scènes de vie remplies d’images d’oiseaux, de buffles, de singes, d’arbres, de serpents, de femmes portant des enfants dans leurs bras, d’hommes fumant, dansant ou jouant du gong.
Et le tableau ne serait pas complet s’il n’y avait pas une scène de danses et de chants. Des sculptures de buffle, stylisées, sont aussi indispensables dans chaque construction car la fête la plus grandiose des Co Tu est celle du sacrifice du buffle, tant au niveau du village que de celui familial.
Les scènes sculptées en disent long. Elles ont pour tâche d’illustrer le caractère, les goûts, les habitudes ou les activités quotidiennes des morts. Des scènes de chasse si le mort était un bon chasseur. Des joueurs de tambour s’il était bon danseur, etc. Des ustensiles et des outils de travail ayant appartenus aux défunts aussi placés dans les demeures funéraires.
Risque de disparition
Pour construire une maison funéraire qui respecte à la lettre la tradition, les Co Tu doivent aller loin dans la forêt pour chercher les grands troncs de bois nécessaires à la fabrication de piliers et à la sculptures. Les couleurs pour décorer les statues sont créées à partir de pigments de feuilles de plantes. La famille du mort doit y consacrer énormément de temps et d’argent. «Le plus difficile est qu’il faut être un bon menuisier et un sculpteur talentueux. La question de l’argent est aussi un grand problème», affirme B’riu Nga. Selon lui, la construction d’un tel ouvrage doit respecter des règles strictes : «Le nombre de têtes de buffle sculptées dans la demeure funéraire représente le nombre de buffles sacrifiés par la famille en offrande aux génies et au village. De plus, après la construction préliminaire, il faut consulter soigneusement les avis des patriarches dans la région».
Cependant, les cabanes funéraires respectant strictement la tradition des Co Tu deviennent, de nos jours, de plus en plus rares. Selon plusieurs patriarches bien versés dans les traditions funéraires, il existe maintenant très peu de constructions satisfaisant aux critères traditionnels. Le patriarche B’riu Nga est devenu célèbre pour avoir récemment construit, pour son beau-père, la maison funéraire la plus typique des Co Tu dans la cordillère de Truong Son. Cet artisan a été invité à aider le Musée de l’ethnologie du Vietnam à construire une maison funéraire Co Tu dans le hall du musée en 2006.
Maintenant, de nombreux ouvrages funéraires Co Tu sont réalisés avec des matériaux modernes comme ciment, briques… au lieu des troncs de bois. Un regret pour le maintien de la culture traditionnelle des Co Tu si cette tendance devait se poursuivre.
Les Co Tu vivent essentiellement de la culture sur brûlis. Ils débroussaillent à la hache et à la machette, puis brûlent la végétation et sèment ensuite. Ils pratiquent la polyculture et laissent le sol en jachère pendant une longue période après plusieurs récoltes annuelles. Les femmes excellent dans le tissage des motifs géométriques colorés alliés à de la verroterie. Les hommes, eux, excellent dans la sculpture décorative (têtes de buffle, oiseaux, serpents, animaux sauvages, poules…) pour les maisons funéraires et la maison commune, ainsi que dans la décoration du poteau servant à attacher le buffle de sacrifice. La plus grande des fêtes est le Sacrifice du buffle, au niveau du village comme au plan familial, vient ensuite la Fête du «rassemblement des ossements».