Il paraît que seuls les montagnards d’ethnie Dao Do (Dao Rouges) de la commune de Van Yên, province de Yên Bai (Nord-Ouest du Vietnam), connaissent le Tôm Ông Dat, flûte en bambou qui a la particularité de se jouer avec… le nez. Un art singulier que seuls quelques uns peuvent maîtriser. Parmi eux, Dang Nho Vuong est considéré comme le meilleur de tous.

 

 

 

Van Yên est le pays de la cannelle. Un haut lieu de la province de Yên Bai où flotte le parfum singulier de cette plante d’une haute valeur économique. Là, les canneliers s’étendent à perte de vue. C’est sur la pente d’une colline verdoyante que se niche la belle maison en bois de Dang Nho Vuong – le meilleur des joueurs du Tôm Ông Dat. Surnommé le “flûtiste” par sa communauté, ce paysan robuste de 42 ans a plus l’allure d’un paysan que d’un artiste. Il parle passionnément de la vie des Dao Rouges, des moissons fructueuses, des rentrées importantes provenant de son jardin de cannelle. Mais ses yeux se mettent à briller lorsque la conversation bascule vers la flûte Tôm Ông Dat, les airs et les danses folkloriques du coin. “Pour réussir à jouer du +Tôm Ông Dat+, outre des aptitudes, une passion et une bonne technique, il faut savoir insuffler de l’âme à la flûte”, confie-t-il. Sur le mur de sa maison sont accrochées quelques flûtes en bambou de 50 cm de long. Il en prend une, puis l’applique contre une de ses narines. S’élève alors un air mélodieux qui adoucit la chaleur étouffante de l’été, ensorcelle tout le monde, tant connaisseurs que profanes.

Ensuite, il en saisit une seconde et interprète une ritournelle légère devant un public admiratif.

Le Tôm Ông Dat : pourquoi sept trous ?

La flûte Tôm Ông Dat existe depuis des lustres au sein de la communauté Dao Rouges. La tradition veut que ses sept trous symbolisent les sept jeunes filles qui, selon une légende, auraient sauvé la vie des villageois. Lors d’une grande sécheresse, les Dao Rouges, menacés de mourir de soif, descendirent vers la mer, et cherchèrent à nager vers l’autre rive de l’océan en quête d’eau douce. La mer étant large et les vagues violentes, bon nombre d’entre eux périrent noyés. Les survivants décidèrent alors d’exercer une cérémonie où 7 jeunes filles se virent confier la tâche d’implorer la protection du Ciel, et de leur fournir une barque. Et de promettre de “payer une dette de reconnaissance” si leur voeu était exaucé. Il le fut. Depuis, la communauté des Dao Rouges organise chaque année une cérémonie témoignant de sa reconnaissance au Ciel, baptisée la fête Ma chay phan vang, lors de laquelle on joue de cette flûte à 7 trous. Le son de Tôm Ông Dat doit alors être à la fois doux et mélancolique, telle la voix des 7 jeunes filles implorant le Ciel.

Hormis la fête Ma chay phan vang, la flûte Tôm Ông Dat est utilisée aussi lors d’autres grands événements du village, comme les mariages, les naissances, l’inauguration d’une nouvelle maison… On en joue aussi en dehors des grandes occasions, en plein champ lors d’une pause par exemple, ou encore pour conter fleurette… Le Tôm Ông Dat donne alors des sons à la fois mélodieux et timbrés, “comme le murmure du ruisseau”, remarque Dang Nho Vuong.

Un art difficile qui a du mal à se transmettre

Jouer de la flûte par le nez, c’est loin d’être aisé. Dang Nho Vuong n’y va pas par quatre chemins : “Il faut être doué pour la musique, en bonne santé et s’entraîner sans relâche”. C’est cette difficulté qui confère aux joueurs de Tôm Ông Dat une sorte d’aura au sein de leur communauté. Désireux de se distinguer, et surtout d’épater les filles, pas mal d’adolescents sont venus apprendre le Tôm Ông Dat auprès du “maître Vuong”. Mais la plupart ont rapidement jeté l’éponge. “Je suis ravi de voir la vie des Dao Rouges s’améliorer sans cesse. Il me reste pourtant un souci : de moins en moins de jeunes veulent se donner la peine d’apprendre la flûte”, déplore Dang Nho Vuong.

Initié au Tôm Ông Dat alors qu’il n’était qu’un gamin, Vuong est “tombé amoureux” de cette flûte qui est devenu pour lui “un objet inséparable”. Il en joue partout, chaque fois que l’occasion se présente. De plus, Vuong est doué également dans la création. Il a actuellement à son actif d’innombrables airs, qui s’ajoutent à un répertoire traditionnel déjà riche. C’est grâce à eux qu’il a été primé lors de festivals et de concours provinciaux. Avec fierté, Vuong montre aux visiteurs sa belle moisson de médailles et de satisfecit. Et d’exprimer son souhait ardent que les airs de Tôm Ông Dat ne cessent de retentir dans les villages Dao Rouges. Espérons que les sept jeunes filles de la légende l’aideront à exaucer ce souhait !

 

Source: Lecourrier.vnanet.vn

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Tommy Ngo

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