Le ca sinh (Onychostoma gerlachi) est une espèce de poisson vivant exclusivement dans des ruisseaux aux eaux agitées du Vietnam. S’il est une spécialité culinaire de choix pour les ethnies minoritaires du Nord-Ouest, l’attraper est tout un art qui demande expérience et patience. Le pouvez-vous ?
“Vous ne pouvez pas prétendre connaître les spécialités des régions montagneuses du Nord du Vietnam si vous n’avez jamais goûtez du ca sinh”, se vante Nguyên Anh Tuân, président du Club des pêcheurs Âu Lac, dans la ville de Diên Biên, province du même nom de la haute région du Nord-Ouest. Ce poisson d’eau douce, d’une taille équivalente à une main d’homme, voire plus petite (20 cm de longueur et de 200 à 400 grammes), est un lointain voisin de la carpe (famille des cyprinidés). Corps élancé, petite tête, yeux exorbités, écailles d’une couleur blanche étincelante agrémentée d’un reflet bleuâtre sur les 2 flancs. Le ca sinh entre dans la composition de nombreux plats dont la saveur est rehaussée grâce à des herbes odoriférantes spéciales. Parmi ces plats, le ca sinh grillé sur la braise rouge semble le plus apprécié. Une sorte d’amuse-gueule à la saveur appétissante et parfumée. Et surprenant, ses arêtes sont tendres, grasses et agréables au goût.
Entre travail et divertissement
Les contrées montagneuse du Nord-Ouest sont peuplées par diverses ethnies : Hmong, Thai, Dao, Muong… Leurs riches couleurs agrémentent les marchés où sont exposés une myriade d’articles disparates. Les spécialités culinaires occupent tout un secteur où les brochettes de ca sinh tiennent toujours la vedette. Car pour les locaux, les petits poissons grillés ou fumés d’un jaune safran sont considérés comme un met de préférence qu’on offre aux convives.
Pour ces montagnards, la pêche du ca sinh est à la fois un travail et un divertissement. Car, si ce poisson se vend assez cher, sa pêche est très compliquée et promet de grands moments d’aventure.
La saison de pêche commence à la fin de la saison des pluies et des crues, pour une période de quelques mois (de février à mai). Les ruisseaux redeviennent tranquilles et les coins d’eaux limpides plus fréquents. Pour lui, il y a une “convention verbale” que respecte tout ce monde : le pêcheur ne partira qu’avec un petit panier pour ne pas trop en ramener. “Ainsi sont préservés les ressources de ca sinh”. Même s’il se vante à qui veut bien l’attendre d’en avoir récemment capturer un d’un kilo.
D’ordinaire, une “partie” de pêche dure de 2 à 3 jours, souvent après le Têt (Nouvel An lunaire). L’aventure débute au petit matin. Il fait encore froid et le chemin est long et escarpé. Les équipements ne doivent donc pas être trop encombrants, souvent ils se résument à des lignes de pêche, appâts, petits paniers, boissons, nourritures, gilets de sauvetage, tentes-abris…
District de Muong Nhe, distant de 40 km de Diên Biên. Remontant le ruisseau de Nâm Pô qui s’insinue dans les pentes rocheuses, les pêcheurs s’appliquent à chercher une “pêcherie”, soit une petite crique derrière de grands blocs calcaires où s’écoulent des eaux vives. Là, les eaux plus claires permettent d’apercevoir les petits poissons nager en toute liberté. Mais, leur capture ne sera pas une partie de plaisir.
À chaque d’ethnie, sa manière de pêcher
La ligne lancée, il ne reste plus qu’à attendre, jusqu’à ce qu’un ca sinh vienne happer l’appât. Quelle joie de voir le joli poisson argenté s’agiter au bout de la ligne. Si la chance est avec vous, vous pouvez en espérer une vingtaine en une heure. Puis, il vous faudra lever le camp à la recherche d’un autre spot.
La pêche du c¸ sØnh est aussi un art qui se différencie selon les ethnies. Les Thai de Diên Biên ont recours à des “pièges”, sorte d’ovale en bambous tressés, qu’ils mettent en travers du ruisseau. Les H’mông de Sa Pa (province de Lào Cai) placent des pierres en 2 lignes, le long d’un tronçon de ruisseau en pente, de manière à ce que ces lignes s’approchent de plus en plus pour au final ne former qu’un petit chenal au bout duquel est placée une nasse. Dans les régions plus en aval, comme Hoà Binh, Phu Tho, où les cours d’eaux s’ouvrent avant de se joindre en rivière…, les Dao et les Muong pêchent le ca sinh au moyen de filets, à bord d’une jonque en bois. Cette image d’un pêcheur lançant son filet au milieu des eaux a été d’ailleurs maintes fois immortalisée par les photographes.
De toute façon, la pêche du ca sinh ne sera jamais un “métier”. Cité dans le Livre Rouge national, ce poisson est naturellement défendu par les autochtones. Sa présence, aussi clairsemée soit-elle dans les ruisseaux du Nord-Ouest, en fait une particularité locale introu- vable ailleurs.
Source: Lecourrier.vn