Cô Loa qui fait partie d’un district de Hanoi se trouve à 18 km du centre-Hanoi. Site de la première citadelle du Vietnam (3e siècle avant J.-C), il était la capitale du pays sous la dynastie des Ngô (939-965) dont le fondateur, Ngô Quyên, avait mis fin à mille ans d’occupation chinoise. Il n’y a plus à Cô Loa que des ruines de la citadelle.
Cô Loa
Nous sortions d’un petit temple moussu qui fait partie des ruines de Cô Loa. Dans le clair-obscur du sanctuaire, nous nous étions recueillis devant la statue de la princesse My Châu décapitée, représentée par un gros bloc de pierre.
– Que penses-tu de la princesse ? Est-elle coupable ? demanda mon ami Bob Krauss, colonniste du Honolulu Advertizer à ma petite-fille Vân Chi, lycéenne de 15 ans.
– Selon la conception actuelle de l’individu, répondit-elle, la princesse est responsable. Mais, au regard de la morale patriarcale des temps anciens, elle ne l’est pas.
Suivit une discussion fort animée entre le journaliste américain chevronné et la petite vietnamienne. C’est vous dire l’actualité et l’universalité de cette histoire de politique, d’amour et de mort, histoire qui baigne dans la légende puisqu’elle remonte à plus de 22 siècles.
Avec l’aide du génie Kim Quy (Tortue d’Or), le roi An Duong Vuong réussit à construire la citadelle de Cô Loa aux murailles aussi épaisses que hautes. Avant de le quitter, le génie lui donna une de ses griffes en disant :
– Mettez-la en guise de gâchette sur une arbalète et vous serez invincible.
À cette époque. Triêu Dà (Chao To), chef des tribus au Sud de la Chine, s’était déjà plusieurs fois livré à des incursions dans le royaume d’An Duong Vuong. Mais l’arbalète magi-que l’avait aussitôt découragé. Il usa alors de la ruse. Il envoya son fils Trong Thuy porter au souverain des Viêt des offres de paix, avec l’intention secrète de détruire la fameuse arbalète. Le jeune prince eut l’occasion de faire la connaissance de la fille d’An Duong Vuong, la belle My Châu dont il tomba amoureux. Ils reçurent la permission de se marier. Trong Thuy finit par obtenir de sa femme le secret de la gâchette magique. Il en fit fabriquer une absolument identique pour la substituer subrepticement à la vraie. Il trouva ensuite un prétexte pour rejoindre son père en Chine. Au moment de leur séparation, My Châu lui montra une robe de plumes d’oie et lui dit :
– Si des troubles éclataient par hasard ici pendant ton absence, je sèmerai ces plumes sur mon chemin et tu sauras où me retrouver.
Trong Thuy partit. Peu après, son père Triêu Dà prit la citadelle de Cô Loa. An Duong Vuong n’eut que le temps de sauter sur son cheval avec sa fille en croupe et de s’enfuir par une porte dérobée. Talonné par l’adversaire, arrivé au bord de la mer, il appela la Tortue d’Or à son secours. Celle-ci apparut et lui dit :
– Roi, l’ennemi est en croupe derrière toi !
An Duong Vuong comprit alors. Fou de douleur, il prit son épée, tua My Châu et se précipita dans la mer. Guidé par les plumes d’oie, Trong Thuy trouva le corps de sa femme décapité. Il l’inhuma dans la citadelle et se jeta dans un puits. Aujourd’hui encore, au village de Cô Loa, devant le temple du roi An Duong Vuong existe le “puits de Trong Thuy”. Selon la légende, le sang de My Châu coula jusqu’à la mer et les huîtres qui le burent devinrent des huîtres perlières. Il paraît que si on lave une de ces perles avec l’eau du puits, elle prend un orient incomparable, ce qui prouve l’innocence de la princesse.
Le visiteur de Cô Loa peut voir la salle des audiences du roi, son temple dont la fête est célébrée le 6e jour du premier mois lunaire, le temple de la Princesse, le puits des Perles et des restes de rempart. La citadelle comprenait trois ceintures de rempart en terre ayant respectivement 8 km, 6,5 km et 1,650 km de long. Des douves, aujourd’hui comblées pour la plupart, les séparaient, assez larges pour permettre aux barques de circuler et de communiquer par des cours d’eau jusqu’à la mer. Si l’histoire de l’arbalète magique n’est qu’un fruit de l’imagination populaire, la résistance d’An Duong Vuong a été bien réelle : des milliers de flèches en bronze découvertes lors des fouilles archéo- logiques témoignent de la lutte persévérante et de l’ingéniosité des anciens Viêt pour défendre leur premier État à l’âge du bronze. Selon la tradition, la citadelle aurait été construite en spirale comme la coquille d’un escargot, d’où le nom de Cô Loa.
Source: http://lecourrier.vnanet.vn