Sur le fleuve Tiên (bras antérieur du Mékong), à l’intersection des trois provinces de Tiên Giang, Vinh Long et Bên Tre, le marché flottant en gros de Cái Bè, en activité depuis le 19e siècle, est l’un des plus célèbres du delta du Mékong.
Le marché flottant de Cái Bè est le point de rencontre de commerçants venus de toute la région et s’allonge sur plusieurs kilomètres, partagé entre vendeurs et acheteurs. Un véritable plaisir des sens pour les visiteurs qui se retrouvent face à une incroyable mosaïque de couleurs et de fragrances.
Situé à 140-150 km de Hô Chi Minh-Ville, ce marché (province de Tiên Giang, Sud) est devenu l’une des destinations favorites des touristes de passage dans la région. De plus en plus nombreux sont ceux qui viennent découvrir ce marché situé au cœur d’une région riche en paysages époustouflants.
Dès l’aube, des centaines d’embarcations regorgeant de produits de toutes sortes se succèdent au fil de l’eau : crevettes et poissons frétillants, ramboutans d’un rouge éclatant, durians au parfum exaltant… La principale originalité du marché de Cái Bè réside dans la manière dont les vendeurs accrochent leurs marchandises à de longues perches, à l’avant de leur embarcation, pour aider les clients à repérer ce qui s’y vend. En cas de petit creux ou de grande soif, nombreuses sont les petites barques à proposer du riz, du pho, du hu tiêu (nouilles de riz ébouillantées au bœuf mariné et sauté) ou des boissons rafraîchissantes. Au crépuscule, “la ville flottante” brille de mille feux. Des centaines de lampes sont allumées à la proue des bateaux et l’on se retrouve plongé dans un univers féerique.
À l’approche de la fin de l’année, le marché flottant de Cái Bè est encore plus animé qu’à l’accoutumée, d’où une forte hausse du nombre de touristes, surtout étrangers. À peine arrivé à l’embarcadère, chaque voyageur se voit offrir par le “capitaine” de l’embarcation un coco frais, dont l’eau est considérée comme la boisson rafraîchissante idéale après le long parcours depuis l’aéroport international de Tân Son Nhât, à Hô Chi Minh-Ville.
Quittant l’embarcadère, les passagers sont transportés par les bateliers au marché flottant pour découvrir l’ambiance effervescente qui règne en ces lieux comme les activités des habitants de cette région deltaïque.
Pascal Bigay, 40 ans, de nationalité française, employé au Crédit Suisse Group, et sa copine, Estelle Sedilot, 30 ans, fonctionnaire à Paris, voyagent au Vietnam pour la première fois. Fort surpris de ce qu’ils voient de leurs propres yeux, ils demandent au guide de l’agence de tourisme Làng Quê Viêt (Viêt Countryside Travel) : “De quoi vivent les gens ici ?”. “Ils vivent des fruits”, répond le guide en leur pointant du doigt des barques chargées de durians, de pamplemousses, de jaques, de mangoustans et autres longanes…
Sur la barque traversant le Mékong paisible, les voyageurs ont devant leurs yeux un immense tapis d’eau animé de vaguelettes. Puis, la surface de l’eau se réduit lorsque la barque entre dans un petit canal pour arriver à l’îlot d’An Bình, province de Vinh Long. Là, le guide explique : “C’est grâce aux alluvions que les fruits ici sont très bons et savoureux”. Dans la zone écotouristique d’An Bình, les visiteurs ont l’occasion de déguster des fruits tropicaux au son des dàn ca tài tu (chants des amateurs), un art traditionnel du delta du Mékong. Estelle Sedilot vient de découvrir la saveur sucrée et parfumée du jaque. “Oh ! C’est délicieux ! Il n’y a pas ce fruit en France”, s’exclame-t-elle.
À midi, la barque transporte les touristes vers des villages de métiers traditionnels où l’on fabrique du côm (riz gluant jeune en granules aplaties), du bánh tráng (galette de riz soufflée), du keo dua (bonbon fait à partir de coco). L’occasion aussi de goûter gratuitement des spécialités locales dont le miel, de visiter des colonies d’abeilles. Comme souvenir, Estelle Sedilot craque pour une corbeille tressée à la main et des sandales faites à partir de tiges de jacinthe d’eau.
Après le déjeuner, à 15h00, la barque emmène les voyageurs dans une maison-jardin dénommée “Ba Ðuc”, pour un dîner en famille. Cette maison coquette est entourée d’un des plus jolis vergers de la région, de plus de 2 ha, qui donne des fruits de différentes variétés locales comme : mangues de Hoà Lôc, oranges vertes à pelure rugueuse, pamplemousses, longanes, sapotilles….
C’est une belle bâtisse de style colonial, mariage harmonieux entre les architectures orientale et occidentale. À l’intérieur trônent de nombreux objets anciens, dont trois armoires à autel incrustées de nacre chatoyante datant de 1924, une boîte en bois incrustée d’un dragon qui contient un décret de l’empereur Tu Ðuc.
Le soir, les touristes sont initiés par la propriétaire de la maison à la confection de plats traditionnels vietnamiens. Pascal Bigay et sa copine apprennent à faire le nem (rouleaux printemps). “Vous êtes bien habiles !”, félicite la propriétaire. “C’est vrai ?”, se réjouit Estelle. Après les avoir roulé, Pascal fait frire les nem qu’il a farcit lui-même, avant de les déguster avec de la bière vietnamienne 333 et une tasse d’alcool à herbes médicinales fermentées par le propriétaire. Après le dîner, Pascal confie : “Il faut venir à la découverte de ce lieu ! L’ambiance est si paisible !”.
Un essor touristique qui profite à tous
Le lendemain, la maison-jardin de Ba Ðuc accueille encore des touristes allemands, en visite au Vietnam par le biais du voyagiste Indochina. Ils sont une dizaine. “Nous voyageons à vélo. Hier, j’ai pédalé 70 km avec eux. Ce matin, ils iront à Cân Tho”, informe Hàn Quôc Thái, guide touristique de cette agence. Ces étrangers ne s’intéressent pas beaucoup au shopping “Ils aiment la nature et donc ils veulent pédaler pour la contempler”, explique Thái.
Ce matin, Peter Lohmann, spécialiste en marketing et guide pour la compagnie touristique allemande Thomas Cook, se lève tôt pour prendre le petit-déjeuner avec la propriétaire de la maison-jardin. “À Hô Chi Minh-Ville, j’ai visité le marché de Bên Thành, la cathédrale Notre-Dame, le palais de la réunification et le musée des vestiges de la guerre. Et maintenant, je découvre le tourisme fluvial. J’adore ce lieu !”, confie-t-il. L’expert allemand ne tarit pas d’éloge sur ces paysages au charme envoûtant.
Il y a de cela une décennie, personne n’aurait pu imaginer que Cái Bè puisse attirer annuellement 400.000 touristes internationaux. Une manne qui permet d’améliorer les conditions de vie de la population locale grâce à la création de nombreux emplois dans le tourisme.
Avant d’être batelier et de promener les touristes, Nguyên Van Tùng était ouvrier dans la zone franche de Tân Thuân, dans le 7e arrondissement, à Hô Chi Minh-Ville, Tùng éprouvait bien des difficultés à mettre de l’argent de côté. “Travaillant loin de ma famille, je ne pouvais chaque mois qu’épargner qu’un million de dôngs après avoir payé le logement et la nourriture”, confie-t-il. Après avoir fait le choix de retourner dans son village natal, il a décidé d’acheter une barque au prix de 60 millions de dôngs, avant de signer un contrat de transport de voyageurs avec une agence touristique locale. Bien lui en a pris puisque aujourd’hui, son embarcation lui permet de voir le futur sous de meilleurs auspices. “Ici, bien des gens possèdent une barque. Et beaucoup coopèrent avec les voyagistes dans le transport des touristes”, informe-t-il.
Pour chaque tour, Tùng reçoit 200.000 dôngs de l’agence touristique, dont la moitié lui sert à payer l’essence. “Cette somme et celle provenant de la plantation d’arbres fruitiers ont permis d’augmenter nos revenus et d’avoir un regard plus optimiste sur l’avenir”, se réjouit-il.
Partageant son point de vue, bon nombre de propriétaires de sampans sont très attachés à leur métier actuel et sont très heureux de pouvoir travailler dans leur village. Ils sont toujours sympas et souriants, ouverts et dévoués aux touristes. Ils remercient leur village natal et la nature de leur avoir créé des opportunités de travail et de contact avec des touristes venus des quatre coins du monde.
Source: lecourrier.vn